Les mouvements de justice sociale utilisent la souveraineté alimentaire et la justice climatique comme points d’entrée pour une révision radicale du système. Si, historiquement, de nombreuses organisations de base ont souvent travaillé par secteur, les militants entament aujourd’hui d’intenses discussions pour forger et approfondir des convergences censées les aider à remporter les longues luttes pour les ressources naturelles et à résoudre les multiples crises rencontrées. Ces discussions font apparaître des synergies au sein des mouvements et entre eux, dont les plus dynamiques concernent le féminisme, l’agroécologie, l’eau et la transition équitable.

Ce moment de dialogue politique révèle également quelques tensions, dont la plupart se résolvent par une approche intersectionnelle d’une construction d’alliances qui tiendra compte de points de convergence entre systèmes d’oppression tels que la race, la classe et le sexe. Si la transformation est inévitable en cette période de chocs économiques et environnementaux mondiaux, c’est à nous de décider à quoi elle ressemblera. Alors que la chute du capitalisme vers un avenir impossible s’accélère, les mouvements pour la justice sociale ré-vèlent une fois encore à l’humanité qu’un autre monde est possible, né-cessaire et déjà en marche.

La rapide propagation du coronavirus SARS-CoV-2 au début de l’année 2020 nous a rappelé que l’humanité dévaste la planète. La pandémie du COVID-19 nous oblige a réévaluer notre relation avec le reste du monde vivant dans un contexte de crises multiples interconnectées. Le réchauffement climatique et la perte dramatique de diversité biologique sont des manifestations évidentes de la crise écologique qui menace l’humanité et la planète. Les écosystèmes locaux se dégradent à une vitesse jamais égalée.

Ces phénomènes vont de pair avec une crise socio-économique marquée par l’augmentation des inégalités et la concentration des ressources entre les mains de quelques puissants. Ils s’accompagnent également de la destruction des tissus sociaux, provoquant ainsi migrations de masse, guerres et famines. D’autre part, la montée de l’autoritarisme et la polarisation politique exacerbent la violence à l’encontre des communautés et des peuples dans le monde entier, frappant en particulier les femmes et les hommes non-blancs. En bref, il existe un lien étroit entre la façon dont nos sociétés (mal)traitent et exploitent à la fois l’humanité et la nature.

Les processus scientifiques, comme le Groupe d’experts des Nations Unies sur l’évolution du climat, contribuent à l’émergence d’un consen-sus mondial sur ce qui est nécessaire d’une part et ce qui est possible de l’autre. Ils alimentent le travail des responsables politiques du monde entier.

Cependant, le processus de création de connaissances scientifiques n’est jamais simple ni politiquement neutre. Nous avons conversé avec Marta Guadalupe Rivera Ferre, une des principales auteures du chapitre sur la sécurité alimentaire du rapport du GIEC sur les terres émergées et le climat (2019), afin de mieux comprendre le processus en amont du rapport et de mieux identifier certaines des limites et des potentialités du débat scientifique international sur les terres, le climat et l’alimentation.

Le Rapport du GIEC sur les terres émergées et le climat présente l’état actuel des connaissances scientifiques sur les nombreuses relations complexes entre les stratégies d’utilisation des terres au niveau mondial et leurs impacts sur le climat de la planète.

L’épidémie causée par le virus du SRAS-CoV-2, déclarée pandémie par l’Organisation mondiale de la santé en janvier 2020, soulève de sérieuses questions quant à sa relation avec les processus alimentaires à l’ère du capitalisme.

D’une part, elle met en évidence les preuves de la transmission d’agents infectieux par des causes directement liées aux systèmes alimentaires dits modernes, puisque ceux-ci ont fragilisé la biodiversi-té et donc stimulé le passage d’agents viraux des espèces animales aux humains. D’autre part, elle indique clairement que le terrain favorable à l’issue fatale de la maladie a été créé par le même système alimentaire industriel à la source des maladies chroniques non transmissibles.

A la différence du projet scientifique conventionnel qui mise sur les médicaments et les vaccins, l’article propose une sortie de crise esquissée en six propositions basées sur la notion d’agentivité alimentaire. Elle requiert, entre autres, l’abolition du modèle patriarcal développementaliste du régime alimentaire agro-industriel ou corporatiste, pour privilégier les soins collectifs à travers l’agroécologie familiale et communautaire dirigée par les femmes, et ainsi œuvrer pour la vie sur la planète dans le cadre de la souveraineté alimentaire.